Extrait du bulletin de la SAAST 2022
PROSPECTION-INVENTAIRE
En 2022, le GRAT a bénéficié de deux autorisations de prospection-inventaire, la première accordée à Jean Duriaud pour la vallée de la Saône, la seconde délivrée à Grégory Compagnon pour la vallée du Grison, la limite entre les deux zones correspondant en gros au Chemin des Moines.
Prospections dans l’est du Tournugeois
Les mauvaises conditions climatiques n’ont pas permis cette année de prospecter dans les maïs. Les vignes ont alors été privilégiées du moins celles qui n’étaient pas complètement enherbées.
La station de sous Boulay à Farges a donné 5 armatures de flèches venant confirmer une fréquentation de la butte sableuse au Mésolithique et à plusieurs stades du Néolithique (fig. 1).
Fig. 1 – Armatures trouvées à sous Boulay.
1 – Mésolithique ; 2, 3 et 4 – Néolithique moyen ; 5 – Néolithique final
À Bissy-la-Mâconnaise, un pointage exhaustif de tous les témoins préhistoriques rencontrés dans les vignes prospectables du lieu-dit la Herse a confirmé que les armatures de flèche ramassées dans ce secteur par Bruno Voituret provenaient bien d’une concentration de silex taillés (fig. 2 et 3).
Fig. 2 – Les pointes de flèches ramassées par B. Voituret
Fig. 3 – Le semis des silex taillés rencontrés à la Herse
À Chardonnay, les limites de la station néolithique des Bluses découverte en 1994 ont été précisées grâce au pointage de tous les silex taillés rencontrés. La plupart des armatures de flèches ramassées sont attribuables au Néolithique moyen (fig. 4).
Fig. 4 – Armatures de flèche ramassées aux Bluses
À Montbellet, au lieu-dit les Pugettes, la mise en place de tirants en bout de vigne a remonté à la surface des tessons protohistoriques frais, manifestement arrachés à un horizon archéologique préservé. Non loin de là, au Bois Bouillard, quelques tronçons de lames d’excellente facture laissent présager l’existence d’une station néolithique relativement ancienne dans les environs immédiats. Ces pièces ne sont pas en effet sans évoquer des éléments de la même qualité trouvés en fouille à Beauvois (Plottes) dans une couche rapportée au Néolithique moyen I.
Fig. 5 – Fragments de lames issues du Bois Bouillard
En Margeant, à Uchizy, le ramassage 2022 confirme la présence d’une zone de moindre densité en silex taillés comprise entre deux nappes de plus forte concentration (fig. 6). Il enrichit également la série de témoins attribuables au Gallo-romain ainsi que celle des éléments relevant du Paléolithique supérieur.
Fig. 6 – Le semis des silex taillés rencontrés en Margeant
Sur le site des Molards à Uchizy, l’emprise de l’occupation aurignacienne du site est confirmée avec une baisse de densité en direction de l’ouest. Le Néolithique est bien mis en évidence par la découverte d’une nouvelle armature tranchante (fig. 7). Ce témoin corrobore le fait que l’absence de patine est à prendre en compte sur ce site pour une sériation chronologique du mobilier.
Fig. 7 – L’armature tranchante trouvée aux Molards
La station de « Sur le chemin de Royer » à Mancey, est loin d’être épuisée en dépit des nombreux ramassages dont elle a fait l’objet. Des labours plus profonds remontent régulièrement de nouveaux silex à la surface, surtout dans le secteur sud du site où les éléments de grande fraîcheur sont abondants (fig. 8). Ils ne sont malheureusement pas associés à de la céramique. La série d’armatures de flèches dont on dispose actuellement plaide pour une attribution du site au Néolithique moyen I.
Fig. 8 – Les deux armatures tranchantes trouvées cette année
sur le site du Chemin de Royer
Au Fourneau, sur la commune de Plottes, deux champs offraient cette année l’opportunité rare de jauger l’extension du site vers le sud. Les ramassages ont enregistré une baisse de densité avec toutefois un semis encore fourni en mobilier néolithique. Trois armatures tranchantes (fig. 9) et une hache polie vraisemblablement en métabasalte (fig. 10) viennent confirmer l’attribution de la station au Néolithique moyen I.
Fig. 9 – Les trois armatures ramassées au Fourneau
Fig. 10 – La hache polie qui pourrait être tirée d’un métabasalte
Nous avons retrouvé dans une collection privée l’extrémité distale d’un poignard (Fig. 11) ramassé il y 25 ans à la Truchère, sur les berges de la Saône à sa confluence avec la Seille. Les poignards en silex originaire de la région du Grand Pressigny sont bien présents dans le bassin de la Saône. Les caractéristiques particulières de la matière première utilisée permettent souvent à partir d’un simple examen d’en attribuer ou non l’origine à cette région. Dans le cas présent, le cacholonnement nous prive d’informations essentielles et seule une analyse pétrographique permettrait de préciser le gîte d’où le rognon de base a été extrait.
Fig. 11 – Le fragment de poignard trouvé à la Truchère
Au Bouchot à Mancey, un terrain communal, déjà classé en friche sur le cadastre napoléonien, s’avère impropre à la culture en raison d’une très faible épaisseur de terre. Il est parsemé de pierriers circulaires qui pourraient bien correspondre à des tumulus à moins que l’on ait affaire à des garennes.
D’autres observations ont été réalisées dans des secteurs livrant du mobilier préhistorique : la Plattière et au Clous (Vers), la Perraude (Tournus), la Table Ronde (Étrigny). Plusieurs parcelles parcourues pour la première fois ont donné des objets relevant du bruit de fond néolithique perceptible dans tout le Tournugeois.
Prospection dans l’ouest du Tournugeois
Cette année les prospections se sont concentrées sur la chaîne des collines calcaires qui dominent la vallée du Grison et de la Grosne. L’acquisition en 2020 d’un fichier LIDAR de l’IGN (commandé peu de temps auparavant par la DREAL Bourgogne-Franche-Comté) nous a amené à vérifier un grand nombre d’anomalies topographiques en milieu forestier. Cet important travail a permis de documenter plusieurs sites mal connus. Il a également mis en évidence des traces anciennes de l’exploitation agropastorale des collines, notamment sur le versant oriental où l’on dénombre des épaulements, de petites levées de terre et des alignements de monticules pierreux.
Au sommet du Col des Chèvres, au lieu-dit La Rougie, sur la commune de Royer, un très grand enclos a été repéré grâce au fichier LIDAR. Il s’agit d’une longue levée de terre délimitant une surface de 5,8 hectares. À l’intérieur de l’enclos, de nombreux tertres de dimensions et de nature variées ont été repérés. Des concentrations de mobilier de la fin du Haut Empire romain suggèrent que ces pierriers sont liés à des bâtiments arasés et à une mise en culture ancienne du site. La grande surface de l’emprise enclose évoquerait un parc à bestiaux.
À la Roche d’Aujoux, sur la commune de Mancey, un site romain remarquablement bien conservé avait été repéré dans les années 1990. Plusieurs pierriers correspondent à des constructions antiques (fig. 12). La plupart des bâtiments sont construits sur des terrasses artificielles. Au moins un des bâtiments conserve encore des bases de murs en élévation avec un parement extérieur monté en moellons réguliers (fig. 13). Une forte concentration de tessons de céramique a été échantillonnée et date une occupation dans le deuxième siècle de notre ère.
Fig. 12 – Relevé des structures repérées à la Roche d’Aujoux
Fig. 13 – Base de mur conservée sur l’une des structures de la Roche d’Aujoux
Au passage du Col du Navois, un site très bien préservé a été étudié dans le cadre de la prospection-inventaire en 2021 et 2022. Il s’agit vraisemblablement d’un habitat enserré dans un enclos trapézoïdal de 3 200 m² délimité par une levée de terre et de pierres. Les constructions ont été érigées sur deux terrasses artificielles. D’importants pierriers, dans et autour de l’enclos, correspondent à des bâtiments détruits qui ont fait l’objet de récupération de matériaux. Des arases de murs et d’autres structures sont visibles en surface. Trois petits fronts de carrière probablement liés à l’occupation antique ont été identifiés. Une forte concentration de tessons de céramique en surface de l’une des terrasses a été échantillonnée. Si quelques rares éléments évoquent la période de la Tène Finale, la grande majorité du mobilier documente une occupation attribuable au deuxième siècle de notre ère.
Près de la villa romaine du Bois de Barbière à Étrigny, une concentration de tessons de verre et de sigillée a été découverte dans un champ labouré. Ces vestiges signalent sans doute l’emplacement de la nécropole du site au premier siècle de notre ère (fig. 14).
Fig. 14 – Montage sur le dessin de l’exemplaire du London Museum
d’un tesson de fond marqué de Isings 50 trouvé au Bois de Barbière
Au lieu-dit le Fort d’Ouxy sur la commune de Cruzille, les prospections ont montré qu’il n’y avait aucune trace de fortification visible. Le statut d’enceinte fortifiée du lieu-dit Châtillon à Martailly-lès-Brancion est également remis en doute.
C’est en prospectant des secteurs mal connus qu’un nouveau site romain a été découvert sur la commune de Cruzille.
ANIMATIONS
Les animations ont tenu une place très importante avec la célébration du centenaire de la mort de Jean Martin qui est venue se greffer sur des actions habituellement reconduites chaque année.
Célébration du centenaire de la mort de Jean Martin
Cette année, nous avons enfin pu célébrer le centenaire de la mort de Jean Martin, archéologue bourguignon, créateur du musée Greuze et de la bibliothèque de Tournus. Reportée en 2019 en raison de la célébration du millénaire de l’abbaye, l’animation n’avait pu voir le jour les deux années suivantes à cause de la pandémie.
Cette commémoration a comporté plusieurs volets :
Conférence
La dernière des trois conférences consacrées à Jean Martin par la SAAST a été donnée le 11 avril, les deux premières ayant été présentées fin 2021 :
- Guillaume Grillon : Les pierres tombales médiévales de l’abbatiale de Tournus redécouvertes (XVIIIe – XVIe siècles).
Publications
Les trois conférences consacrées à Jean Martin ont été publiées dans le bulletin de la SAAST paru en mai 2022 :
- André Talmard : Jean Martin, inventeur du patrimoine tournusien (14 p.),
- Jean Duriaud : Jean Martin, archéologue bourguignon (16 p.),
- Guillaume Grillon : Les pierres tombales médiévales de l’abbatiale de Tournus redécouvertes (XVIIIe – XVIe siècles) (20 p.).
Sortie commentée
La sortie commentée « Sur les pas de Jean Martin » a eu lieu le samedi 26 mars. Sous la houlette de Jean Duriaud, elle a conduit 32 participants sur quatre sites archéologiques qui ont vu œuvrer notre archéologue local :
- Les tumulus des Pré-de-l’Eau à Lacrost,
- La villa gallo-romaine de Belné à Tournus,
- La nécropole mérovingienne de la Mortpierre à Mancey,
- La grotte du Four-de-la-Baume à Martailly-lès-Brancion.
Exposition
La conception de cette exposition présentée de la rentrée de septembre jusqu’au début des vacances de la Toussaint entrait dans le cadre du « Mois du patrimoine écrit » dans les locaux rénovés de la bibliothèque de Tournus.
Elle comportait une douzaine de panneaux présentant les différentes facettes de l’activité de Jean Martin et des vitrines rassemblant des objets venus enrichir les collections du musée Greuze par le fait de son conservateur. Les textes et illustrations font l’objet d’une publication dans ce bulletin et les panneaux peuvent être prêtés aux organismes qui souhaiteraient les exposer.
Accueil de scolaires
Le 16 juin, deux classes de Tournus ont été accueillies dans la grotte du Four-de-la-Baume à Brancion : présentation des fouilles, ateliers sur la taille du silex et l’utilisation d’outils pour travailler le bois.
Journée de l’archéologie
18 juin : présentation par Jean Duriaud des fouilles réalisées en 1913 dans la grotte du Four-de-la Baume.
Journée du Patrimoine
Le 18 septembre, les ateliers voûtes étaient de nouveau installés dans une aile du cloître de l’abbaye Saint-Philibert. Plusieurs centaines de touristes ont pu profiter de cette opportunité pour mieux appréhender l’art de bâtir des maçons du Moyen Âge.
COMMUNICATIONS
Le dimanche 2 octobre 2022, le GRAT a présenté trois communications au cours de la journée archéologique départementale qui s’est tenue à Suin :
- Blaising J.-M. – L’archéologie des maisons paysannes médiévales à la lumière des Nativités du Musée des Beaux-Arts de Dijon.
- Duriaud J. – Nouvelles archéologiques du Tournugeois.
- Compagnon G. – Deux ans de prospection en forêt à partir de données LIDAR.
CONFÉRENCES
Jacques Matteo et Jean Duriaud ont donné à trois reprises leur conférence sur les voies romaines en Occident :
- le 9 avril à Fleurville, salle des fêtes, avec évocation des mosaïques mises au jour au château de Marigny (une centaine de personnes présentes),
- le 2 juillet à Tarare, Espace Belfort, à l’invitation de l’association Botticelli,
- le 17 novembre à Cuiseaux, invités par l’association les Amis de Cuisel.
PUBLICATIONS
- Blaising J.-M., 2022 – « L’archéologie des maisons paysannes médiévales à la lumière des Nativités du Musée des Beaux-Arts de Dijon », Bulletin de la SAAST, tome CXX, 2021, p. 81-106.
- Duriaud J., 2022 – « Jean Martin, archéologue bourguignon », Bulletin de la SAAST, tome CXX, 2021, p. 45-60.
- Duriaud J., 2022 – « Rapport d’activité 2021 du GRAT », Bulletin de la SAAST, tome CXX, 2021, p. 121-130.
RAPPORTS D’OPÉRATION
- Duriaud J., Compagnon G., Rué M., 2022– Rapport de prospection-inventaire 2021, SRA Bourgogne-Franche-Comté, GRAT, 211 pages.
- Compagnon G. – Prospection-inventaire dans la vallée du Grison et de la Grosne, année 2022, SRA Bourgogne-Franche-Comté, GRAT, 121 pages.
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