Extrait du bulletin de la SAAST 2018
PROSPECTIONS
D’excellentes conditions de visibilité dans les terres plantées en maïs notamment ont motivé des prospections s’intéressant à des parcelles nouvellement labourées ainsi que des ramassages complémentaires sur des stations connues.
Les Eparjaillères (le Villars)
Ce site préhistorique découvert en 2016 livre des silex documentant deux phases de la préhistoire très éloignées l’une de l’autre dans le temps, la plus ancienne étant attribuable au Paléolithique moyen, l’autre au Néolithique. Bien que le champ planté en colza n’offrît que des plages sans végétation peu étendues, la rareté des témoins laissés par les hommes de Néandertal dans notre contrée a justifié un nouveau ramassage. La série paléolithique s’est enrichie de quelques pièces alors que le Néolithique, classé dans une phase moyenne de cette période, au quatrième millénaire avant notre ère, a donné une pointe de flèche très évoluée perdue autour de 2500 av. J.-C. (n°3)
Les Molards (Uchizy)
Le site des Molards à Uchizy constitue le seul gisement de plein air du Tournugeois que l’on peut rapporter au Paléolithique supérieur. On connaît bien çà et là des silex taillés pouvant appartenir à cette période mais, ici seulement, on peut parler d’un stationnement de longue durée.
Les ramassages de 2018 ont livré 464 silex taillés parmi lesquels on remarque plusieurs outils caractéristiques de l’Aurignacien, la phase ancienne du Paléolithique supérieur si bien représentée à Solutré.
Les prospections conduites dans les champs alentours ont montré que l’emprise de la station était strictement limitée à une zone bien précise du lieu-dit les Molards. En revanche, dans tout le secteur proche, on retrouve, en petit nombre, des silex taillés pouvant être contemporains de ce gisement alors qu’ils deviennent rarissimes dès qu’on s’en éloigne un peu. On enregistre ainsi les zones les plus fréquentées par ces homo sapiens, qui au début du Paléolithique supérieur, se sont implantés pour un temps dans notre région.
Les Anglais (Sennecey-le-Grand) les Longues Raies (Beaumont)
Les prospections conduites dans les champs compris entre la D906 et la voie ferrée au nord de Sennecey-le-Grand ont permis la récolte d’un talon de hache polie en roche verte et d’un petit nombre de silex taillés attribuables pour la plupart au Néolithique. Déjà en 2001, les terrains situés de l’autre côté de la départementale avaient livré une densité analogue de pièces du même type. De toute évidence, la zone a été fréquentée à la fin de la préhistoire mais l’emplacement des habitations reste encore à trouver.
En Beauvois (Plottes)
En octobre, lors de notre passage sur le site de Beauvois, la plantation de la vigne dans les parcelles 390 à 394 atteignait déjà un stade bien avancé. Le gisement fouillé entre 1983 et 1985 connaissait donc une nouvelle phase de mise en culture.
L’objectif du ramassage était de purger le terrain de son mobilier archéologique afin d’éviter une dispersion des objets dans des collections particulières. Il s’agissait également de prendre la mesure des destructions occasionnées par le sous-solage du terrain et partant d’évaluer le potentiel archéologique conservé.
726 silex, 8 tessons de poterie et 4 fragments osseux ont été ramassés. La faible représentation de la céramique et de la faune prouve que la couche archéologique a été relativement épargnée par le soc. Nos fouilles avaient en effet montré l’abondance de ces vestiges dans les niveaux archéologiques en place. Les archéologues du futur pourront donc un jour continuer l’étude de cette station néolithique qui s’avère l’une des plus riches du Tournugeois.
En Sorban (Uchizy)
Une parcelle du lieu-dit en Sorban à Uchizy nous a fourni, outre des silex taillés ressortissant au Paléolithique supérieur et au Néolithique, un lot de tessons de poterie répartis sur une faible surface. Ces témoins attestent de la présence d’un site romain non répertorié sur la carte archéologique de la région Bourgogne. Il semblerait toutefois que dans les années 1970, l’abbé Gaudillière soit passé par là mais il n’aurait pas signalé ce site au SRA. La nappe de vestiges gallo-romains correspond selon toute vraisemblance à un habitat mais les pierres sont absentes et les tuiles peu nombreuses. Il faudrait donc envisager un bâtiment en bois et terre, couvert de matériaux périssables, comme on pouvait en trouver de nombreux à cette époque-là. La céramique correspond aux productions que l’on connaît dans notre région du milieu du IIe siècle au début du IIIe de notre ère.
Saint Aubin (Etrigny)
En 2017, nous avions fouillée une sépulture du haut Moyen Age découverte fortuitement dans une cave d’Etrigny dans le quartier de Saint-Aubin. Une analyse radiométrique portant sur un fragment osseux du squelette a été réalisée par le laboratoire de Poznan en Pologne. Les résultats sont venus confirmer la date avancée au vu de la plaque-boucle de ceinture et des tessons de poterie exhumés du caisson de dalles.
ETR-STA17 : Poz-107826 1430 ± 30 BP
soit après calibration, de 575 à 657 ap. J.-C.
Intervalle de confiance à 68,2 % : de 606 à 648 ap. J.-C.
La tombe est donc attribuable à la période mérovingienne et se situe plus précisément au début du VIIe siècle de notre ère.
10 rue de la Poissonnerie (Chalon-sur-Saône)
Le sondage réalisé dans la cave du 10 rue de la poissonnerie à Chalon a été terminé fin décembre 2017. Les carottages pratiqués à partir du fond de la fouille pour tenter d’atteindre le substrat ont donné lieu à des prélèvements à des fins d’analyses.
Les macro-restes[i]
André-Marie Dendievel, docteur en Géographie, a réalisé l’étude des macro-restes issus de 4 tronçons de la carotte 4. Ces échantillons ont été traités et analysés au laboratoire de Géographie physique et environnementale de l’Université Jean-Monnet de Saint-Etienne (UMR CNRS 5600 EVS-ISTHME).
Les résultats montrent que les niveaux organiques étudiés ne correspondent pas à de la tourbe, mais évoquent de façon très claire une sédimentation organique intervenant dans une zone humide de plaine alluviale, très probablement au sein d’une lône de la Saône, un bras secondaire en cours de comblement.
Cette analyse caractérise précisément les écosystèmes et les dynamiques de sédimentation au niveau du carottage 4 se rapportant à la période romaine. Les niveaux organiques diagnostiqués révèlent la présence d’une aulnaie-frênaie près d’un paléo-chenal soumis à des apports ponctuels d’eau de la plaine de Saône.
Les pollens
Jacqueline Argant, palynologue, Université Claude-Bernard à Villeurbanne, s’est chargée de l’étude des pollens issus de 4 échantillons prélevés dans le troisième carottage.
Ses analyses dévoilent une évolution nette du milieu végétal dans cette séquence qui peut se rapporter à la période antique, mais il n’est pas possible de la décrire dans son détail en raison de l’espacement important entre les échantillons. On peut constater une pression humaine sur l’environnement qui se traduit fortement au niveau le plus profond par un déboisement et des indices nets d’agriculture et d’élevage. Cette pression semble continue jusqu’au sommet des dépôts, mais va d’abord en s’amoindrissant, puis change de visage car elle aboutit à un espace peu boisé, la disparition des indices de cultures et l’invasion par des rudérales et une végétation de milieu humide. Dans la partie inférieure les macro-restes confirment les grandes lignes de cette évolution et rendent compte du rôle du cours d’eau proche et de ses crues dans les dépôts.
Les données apportées par notre sondage viennent compléter utilement celles fournies par les travaux de l’INRAP qui n’avaient pu atteindre des niveaux aussi profonds. Elles permettent en particulier de préciser l’environnement dans lequel la ville de Chalon a été fondée.
Les différentes phases reconnues dans le sondage conjuguées aux résultats des analyses palynologiques et des macro-restes pourraient se résumer ainsi :
- Avant l’installation des romains, ce secteur de la plaine de la Saône fait l’objet d’un déboisement au profit de l’agriculture. En bord de rivière subsistent des zones déprimées, très souvent en eau, qui se comblent au fil du temps par des apports de sédiments fins et de restes végétaux.
- Peu avant le changement d’ère, les Romains s’installent non loin de la rivière, sur un terrain conservant des points bas formant des mares plus ou moins temporaires. Leurs constructions font la part belle à l’argile et au bois.
- Dans une phase d’extension en direction de la rivière, ils recouvrent le point humide rencontré dans notre sondage d’une épaisse couche d’argile.
- Un mur en pierre est fondé dans cette argile. Il appartient peut-être à un bâtiment dont on ignore tout. Des détritus de toutes sortes viennent s’amasser contre l’un de ses parements extérieurs.
- Au cours du premier siècle de notre ère, le mur est détruit en même temps que le dépotoir est recouvert de fragments de béton de sol.
- L’accumulation de vestiges antiques puis du haut Moyen Age qui suivra cet épisode sera évacuée en grande partie lors de la construction de bâtiments accolés au cloître autour de l’an mil. Les travaux conduits préalablement à l’aménagement de la cave au cours du XVIIe siècle ne laisseront finalement qu’un niveau de quelques centimètres au-dessus de l’arase du mur.
TRAVAIL AVEC DES CHERCHEURS
Pratiques apotropaïques
En collaboration avec Jean-Marie Blaising, archéologue retraité de l’INRAP, et Nicolas Vernot, historien spécialisé (Armoiries, emblèmes, signes et symboles), nous avons entrepris pour le Tournugeois le recensement de faits relevant de pratiques apotropaïques : vases emmurés, caches monétaires, signes cabalistiques, pierre à bossage, etc.
A Mancey, plusieurs témoignages de tentatives visant à conjurer le mauvais sort ont été relevés : vases emmurés, pierres à bossage et épis de faîtage en forme de phallus.
Luc Jaccottey, archéologue à l’INRAP, est venu à plusieurs reprises à Tournus pour étudier les instruments de mouture des collections du GRAT et du musée Greuze. Il prend en compte toutes les meules et molettes de la préhistoire jusqu’à l’époque moderne.
Diagnostics INRAP
Nous avons été en contact avec les archéologues de l’INRAP qui ont réalisé cette année trois diagnostics archéologiques sur Tournus, à la Petite Condemine, en Arpent et en Beauregard.
COMMUNICATIONS
Le 7 octobre, le GRAT a participé à la journée archéologique départementale organisée à Toulon-sur-Arroux par l’association « Les amis du Dardon » :
Duriaud J. – bilan de la prospection-inventaire 2018
PUBLICATIONS
Articles
Duriaud J., 2018 – rapport d’activité 2017 du GRAT, bulletin de la SAAST, tome CXV, 2017, p. 95 à 104
Duriaud J., 2018 – Mobilier lithique ramassé sur la commune de Chevroux (Ain) dans Actes de la Seconde Rencontre d’Archéologie Régionale (Briord, 25 mai 2013) ; Cahiers d’archéologie du musée de Briord, n°2, éditions de la SHABE, Briord, p. 25-27.
Rapport d’opération
Duriaud J., Rué M., Compagnon G., 2018 – Rapport de prospection-inventaire 2017, SRA Bourgogne, 72 p.
ANIMATIONS
Animations grand public
11 mars – Promenade commentée « De la Croix Léonard au col des Chèvres par le chemin d’avant 1760 »
Cette sortie avait pour objectif de conduire les participants sur le chemin qu’empruntaient les ancêtres des Mancillons avant la construction de la route actuelle, la D215. Cet ancien itinéraire reste encore praticable sur environ les quatre cinquièmes de son tracé. Les commentaires ont repris les réponses du curé de Mancey au questionnaire envoyé dans les paroisses pour la réalisation de la carte de Cassini en 1757. Ces notes apportent en effet de précieux renseignements sur le grand chemin de Tournus à Saint-Gengoux.
12 avril, 24 mai et 14 juin – 3 conférences sur « les voies romaines en Occident » données à Bourbon-Lancy par Jacques Mattéo et Jean Duriaud.
5 mai – Sortie « pisé » à Romenay et dans ses environs sous la direction d’Eric Prual, géologue. Le parcours a permis de suivre la chaîne opératoire menant de l’extraction de l’argile aux bâtiments en pisé en passant par les secrets de fabrication de cette terre à bâtir.
13 juin – Encadrement d’une sortie « murgers et cadoles » au profit des participants à un stage « pierre sèche » au lycée horticole de Tournus.
15 juin – A l’occasion des Journées de l’archéologie, conférence de Jean Duriaud présentant le bilan d’une année de prospection-inventaire en Tournugeois.
16 septembre – Ateliers arcs et voûtes dans le cloître de l’abbaye de Tournus pour les journées du Patrimoine.
Animations scolaires
12 mars – Dans le cadre du dispositif « Eveil » du Conseil régional de Bourgogne – Franche-Comté et, précédemment, de l’appel à projets « Patrimoines en Bourgogne » de l’académie de Dijon et de la DRAC Bourgogne – Franche-Comté, les élèves de 1re année de Bac Pro « Aménagements paysagers » ont été conduits par Jean Duriaud à la découverte des constructions en pierre sèche du Roy Guillaume.
Cette sortie a débouché sur une exposition photographique présentée au CDI du lycée horticole.
7 juin – Animation sur le Gallo-romain au bénéfice d’un CE2 de l’école Raymond Dorey.
La séance a débuté en classe par la projection d’un diaporama évoquant l’implantation gallo-romaine en Tournugeois avec présentation d’objets trouvés en fouilles. Elle s’est poursuivie au musée Greuze avec la visite de la salle consacrée à l’Antiquité pour se terminer avec les ateliers mosaïque.
15 juin –animation sur le Gallo-romain pour un second CE2 de R. Dorey
22 août – Atelier mosaïque au Musée dans le cadre des animations proposées par l’Office de Tourisme de Tournus
[i] Les photos des macro-restes ont été réalisées par André-Marie Dendievel et celles des pollens par Jacqueline Argant. Toutes les autres sont à mettre au compte de Jean Duriaud.
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