Rapport d’activités 2020

Extrait du bulletin de la SAAST 2020

PROSPECTION-INVENTAIRE, CAMPAGNE 2020

Vallée de la Saône (Jean Duriaud)

La pandémie a bien évidemment perturbé les sorties sur le terrain programmées dans le cadre de l’autorisation de prospection-inventaire délivrée par le service archéologique de la Région. La priorité donnée aux visites de parcelles nouvellement accessibles a débouché sur la découverte de zones recelant des densités très variables de silex taillés attribuables dans la majorité des cas au Néolithique.  Une seule des concentrations rencontrées, en Margeant à Uchizy, peut correspondre à une implantation de longue durée. D’autres sont certainement situées à proximité d’habitats qui restent à découvrir.

En Fumerat à Ozenay par exemple, sur un terrain de 3,2 ha, 134 éléments ressortissant à la préhistoire ont été repérés et 35 d’entre eux ramassés. Le semis des objets pointés par GPS montre que le mobilier est plus dense dans la partie est du champ (fig. 1). Des nucléus et des petits éclats attestent d’un travail du silex sur le site même mais les outils s’avèrent très rares. Le pourcentage assez important de silex brûlés (16 %) suggère la présence de foyers. Les Préhistoriques ont bien occupé les lieux mais sans séjourner durablement.

Quelques lamelles (fig. 2), une hache taillée (fig. 3) et un talon de hache polie (fig. 4) constituent des pièces discriminantes pour étayer une approche chronologique.

Le débitage lamellaire est l’apanage des toutes premières communautés agropastorales qui atteignent notre région sans doute un peu avant 5000 av. J.-C. Les lamelles se raréfient rapidement pour laisser place aux éclats comme supports d’outils.

GRAT 2020 repartition des objets OzenayFig. 1 : La répartition des objets dans le champ.
• silex pointé et prélevé – 1, 2, 3, 4 et 5 : lamelles, 6 : hache taillée, 7 : talon de hache
• silex pointé mais non prélevé

GRAT 2020 lamelles OzenayFig. 2 : Les 5 lamelles ramassées

La hache taillée est un outil peu fréquent en Tournugeois. On en connaît une dizaine d’exemplaires seulement dont trois trouvés en fouille sur le site de Beauvois à Plottes. Habituellement, le tranchant de ces pièces est affecté d’un lustré d’usage très prononcé ce qui n’est pas le cas ici. On pourrait avoir affaire un outil neuf ou encore peu utilisé.

 La hache taillée et le façonnage du métabasalte renvoient à un Néolithique assez précoce tout comme la présence de lamelles. Ces témoins permettraient de situer les premiers stationnements sur le site d’En Fumerat au Néolithique moyen I entre 4500 – 4000 av. J.-C.

GRAT 2020 hache pierre taillee OzenayFig. 3 : hache taillée (longueur 8,6 cm)

Le talon de hache provient d’une ébauche peut-être brisée au cours de son façonnage. Il aurait tout à fait sa place dans la série rassemblée sur le site de Champ-Villars où un atelier de fabrication de haches polies a été mis en évidence. Le matériau mis en œuvre est un métabasalte provenant du Haut-Beaujolais.

GRAT 2020 talon de hache OzenayFig. 4 : talon de hache (4,7 cm)

Un fragment de biface trouvé sur la commune de Chardonnay au lieu-dit Chemin Billard témoigne d‘une fréquentation humaine au Paléolithique moyen (fig. 5). Ce type d’outil reste très rare en Tournugeois qui n’en a fourni qu’une quinzaine d’exemplaires alors qu’ils se comptent par centaines en Mâconnais.

GRAT 2020 biface ChardonnayFig. 5 : trois vues du fragment de biface et sa restitution

Les ramassages effectués sur la commune de Tournus à la Croix Léonard ont montré que le site néolithique se prolonge à l’est de l’autre côté du chemin de crête et à l’ouest où il atteint une zone a priori moins favorable à l’implantation humaine en raison de sa pente tournée vers le nord. La densité diminue mais reste à un niveau fréquemment rencontré sur des sites d’habitat.

Les récoltes effectuées depuis la découverte de la station à la fin des années 1970 ont montré que toutes les phases du Néolithique sont représentées depuis le Néolithique moyen I, caractérisé par ses armatures de flèches tranchantes, jusqu’au Campaniforme, fouillé sur une vingtaine de mètres carrés en 1990. Au fil des recherches, il s’avère que dans notre région les abords des cols ont quasi tous été occupés au cours de la Préhistoire récente.

Nous avons conduit une opération de sensibilisation à la recherche archéologique avec les habitants de Grevilly. 10 d’entre eux sur les 29 que compte la commune ont pris une part active à des ramassages de surface portant sur deux vignes proches du village (fig. 6). Les contacts noués à cette occasion ont permis d’entamer une révision des sites de cette commune inscrits sur la carte archéologique.

GRAT 2020 equipe de ramassage GrevillyFig. 6 : l’équipe qui a participé au ramassage dans les vignes de Grevilly

Un cliché aérien d’une parcelle située au Pré Menot laissait transparaître des anomalies dans la pousse des végétaux (fig. 7). L’aspect géométrique des irrégularités de couleur avait conduit l’auteur de la photo, François Cognot, à penser qu’elles étaient imputables à la présence de murs sous la couche de terre arable. Le bâtiment trahi par ce contraste avait été attribué à la période gallo-romaine et répertorié comme tel dans la carte archéologique.

GRAT 2020 photo aerienne GrevillyFig. 7 : le cliché de François Cognot au-dessus du Pré Menot

La vérification effectuée en août a montré que les zones correspondant aux anomalies sont des bandes de terrain où la pierraille calcaire est très dense, arrachée là par la charrue à un substratum rocheux peu profond. Aucun témoin archéologique n’a été rencontré. Manifestement, les Gallo-romains ne se sont jamais implantés en ce lieu et il conviendra donc de supprimer ce point de l’inventaire des sites.

La station de SB à Farges a livré quelques microlithes confirmant ainsi que la butte sableuse qui s’élève à proximité de la Saône a bien été fréquentée dès le Mésolithique. Ce site a pu constituer un point de rencontres entre les derniers chasseurs-cueilleurs et les premiers agriculteurs (fig. 8). Cette éminence située en bordure d’une voie de passage fréquentée a toujours constitué une halte privilégiée. Elle conserve des témoins erratiques de toutes les périodes de notre passé.

GRAT 2020 armatures de fleches FargesFig. 8 : armatures de flèche mésolithiques (1re ligne)
et néolithiques (seconde ligne)

Vallée du Grison (Grégory Compagnon)

Le site de la Tour Saint Giraud à Étrigny a fait l’objet d’une étude détaillée. En complément d’une prospection sur l’ensemble des parcelles concernées, les témoignages oraux des ancien et nouvel exploitants des parcelles ont été recueillis. Des archives, notamment clunisiennes, ont été consultées et compilées.

Au C à Nanton, des céramiques protohistoriques ont été prélevées dans le grand enclos repéré en 2009. Elles permettront peut-être une datation du site qui a également livré cette année un fragment de verre romain décoré (fig. 9) et plusieurs témoins du Néolithique dont une rare hache en silex et une autre en roche alpine (fig. 10).

GRAT 2020 mascaron en verre NantonFig. 9 : mascaron en verre représentant la Méduse.
Il ornait à l’origine l’attache inférieure d’une petite cruche

GRAT 2020 haches polies NantonFig. 10 : les deux haches polies du C

La station d’en R à Lalheue a fourni un lot intéressant de céramiques fines gallo-romaines (fig. 11).

GRAT 2020 ceramiques fines LalheueFig. 11 : un échantillon des céramiques fines ramassées en R à Lalheue

3 nouveaux sites gallo-romains ont été repérés cette année : Sur Dinan à Étrigny ; En Dessous de Famoulin à Laives et Champ Saint-Martin à Lalheue.

Un nouveau site du bas Moyen-Âge a également été répertorié : En Dessous de Famoulin à Laives.

La chapelle Saint-Aubin à Étrigny

La sépulture fouillée en 2017 au lieu-dit En Saint-Aubin à Etrigny fait partie d’une nécropole mérovingienne dont on ignore l’étendue. La chapelle Saint-Aubin, vendue comme bien national en 1803 et remplacée par une maison d’habitation avant 1808 jouxtait la tombe étudiée. L’existence de cet édifice religieux a totalement disparu de la mémoire collective du village. Nous ne savions pas le sort qui lui avait été réservé lors de la construction des bâtiments actuels terminés pour l’essentiel en 1828. Cette année, nous avons pu avoir accès à cette maison. La visite de la cave nous a appris qu’une grande partie des murs de la chapelle étaient encore conservés en élévation (fig. 12). La particularité de ses fondations pourrait même trahir un édifice des alentours de l’an mil.

GRAT 2020 fondations de chapelle EtrignyFig. 12 : le mur est de la cave dévoilant les fondations orientales de
la chapelle ainsi que l’amorce des élévations avec la base d’une ouverture

L’intérêt de cette découverte justifierait des relevés précis des diverses parties de la maison imbriquées les unes dans les autres.  Des analyses radiocarbone de charbons issus du mortier liant les pierres des fondations permettraient de confirmer l’ancienneté de la chapelle.

Datations d’ossements humains attribués jadis au Néolithique

Les collections du musée Greuze comprennent des restes humains qui ont été classés au Néolithique lors de leur découverte. Nous avons entrepris de vérifier ces attributions par le biais d’analyses radiocarbone.

Le crâne de La Truchère a été recueilli en 1868 dans le lit mineur de la Saône sous le tronc d’un chêne qu’une baisse exceptionnelle du niveau de la rivière avait mis au jour. En août, une prospection subaquatique sur les lieux supposés de la découverte n’a pas permis de retrouver la couche d’arbres prise selon les inventeurs du crâne dans « les marnes grises à mammouths ». Quelques indices permettent toutefois d’avancer que ce niveau existe encore sous les dépôts récents qui tapissent maintenant le fond de la Saône dans ce secteur.

Le second lot d’ossements humains a été exhumé en 1913 lors des fouilles de la grotte du Four-de-la-Baume à Brancion. Cette cavité a alors livré du mobilier s’étageant du Paléolithique supérieur au Moyen-âge. Un crâne en parfait état de conservation a été rapporté à la fin du Néolithique. D’autres restes humains ont été recueillis dans le même niveau et ont été considérés comme contemporains du crâne.

Les datations permettront de situer précisément dans le temps ces restes osseux issus de niveaux mal définis voire remaniés.

Animations

En raison du contexte sanitaire, aucun atelier ni sortie archéologique n’ont connu de concrétisation et nous avons été contraints de repousser certaines des conférences programmées. Seules trois d’entre elles ont pu être données :

Samedi 24 janvier, salle des fêtes de Massilly, à l’occasion de la rencontre « Au Gui l’An Neuf » organisée par la FAPPAH : Jean Duriaud – Les activités 2019 de la SAAST et ses projets 2020.

Lundi 27 janvier, Palais de Justice de Tournus : Jean-Marie Blaising, archéologue, et Jean Duriaud, archéologue responsable du GRAT – Pratiques magiques d’ici et d’ailleurs.

Samedi 8 février, salle « le Club » de Cruzille, au cours de l’assemblée générale de Cruzille Patrimoine : Jean Duriaud – Tournus et son abbaye millénaire.

Publications

Duriaud J., 2020 – Rapport d’activité 2019 du GRAT, Bulletin de la SAAST, tome CXVIII, 2019, p. 97-106

Gaillard A., 2020 – « Diagnostic préventif à Tournus “Beauregard” », Bulletin de la SAAST, tome CXVIII, 2019, p. 107-114

Rapport d’opération

Duriaud J., Compagnon G., Rué M., 2020 – Rapport de prospection-inventaire 2019, SRA Bourgogne, GRAT, 141 pages